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Le premier burger artificiel
08/06/2013 20:01
Le premier burger à la viande artificielle
En ce mois de juin, un burger in vitro sera servi à Londres, pour la bagatelle de 325.000 dollars. Le procédé n’est pas totalement nouveau, mais sa commercialisation est une grande première.
Depuis plusieurs années déjà, des scientifiques s’essaient à créer toutes sortes d’aliments à partir de viande in vitro, c’est-à-dire de viande obtenue par la culture de cellules musculaires en laboratoire. Selon ces scientifiques, cette technique permettrait de subvenir à moindre coût aux besoins alimentaires d’une population grandissante et de plus en plus friande de viande tout en protégeant l’environnement.

Le Docteur Mark Post a souhaité pour sa part passer de l’expérimentation en laboratoire à la réalité de la consommation en faisant déguster son burger de luxe. Développé à partir de cellules musculaires de bœufs cultivés au sein d’un laboratoire, le burger sera servi agrémenté de sel et de poivre pour lui donner un peu de goût. Selon son créateur, il serait “plutôt bon”… A ce prix là, espérons que la viande soit tendre et goûteuse.
L’objectif de cette opération est de pouvoir financer la recherche puis la mise sur le marché de ce type de produits dont l’impact environnemental est sensiblement plus faible que les produits classiques que nous avons l’habitude de trouver dans nos assiettes. Les consommateurs en voudront-ils ? L’avenir nous le dira.
Viande artificielle : une utopie alimentaire ?
Principale source de protéines animales pour l’homme, l’élevage fait l’objet de nombreuses critiques. La « production » d’animaux coûte plus à la planète que celle des végétaux. En dégageant du méthane, les vaches participent au réchauffement de l’atmosphère. On sait aussi que la viande peut être porteuse de nombreuses substances toxiques ou contaminantes (dioxines, pesticides, prions…), et qu’elle est suspectée d’augmenter les risques de cancer. Sans compter les conditions de vie souvent décriées des animaux destinés à l’abattage.
Face à toutes ces préoccupations climatiques, environnementales et éthiques, les nouveaux « écocitoyens » du monde sont incités à diminuer leur consommation de viande. Mais ils pourraient aussi être amenés à se tourner vers une viande entièrement produite en laboratoire. C’est ce qu’ont annoncé les chercheurs de l’équipe de Mark Post, de l’université de Maastricht, au dernier congrès de la Société américaine pour l’avancement des sciences qui s’est tenu à Vancouver.

Des cellules souches à la viande
Certains tissus vivants comme le sang ou les os contiennent des « cellules souches », des cellules capables de se régénérer. Les muscles contiennent également de telles cellules, baptisées « myoblastes ». Dans les années 1990, ces dernières étaient au cœur des recherches pour traiter les patients atteints de maladies musculaires. En leur transférant les myoblastes d’un donneur compatible, un muscle sain se reconstituait. Mais la technique était lourde, comparable à une greffe. Et face à son manque d’efficacité, elle a fini par être abandonnée.
Cependant, à l’université de Maastricht, aux Pays-Bas, des chercheurs ont eu l’idée d’utiliser ces mêmes myoblastes afin d’obtenir directement du muscle, autrement dit de la « viande in vitro » ou encore de la « viande artificielle »…
Prélevés sur un animal mort ou vivant (par biopsie), des extraits de tissu musculaire sont fractionnés, puis placés dans des boîtes de Pétri et recouverts de collagène. Leur milieu nutritif, en l’occurrence du sérum de cheval, est enrichi en facteurs de croissance, en nutriments énergétiques, en acides aminés, en hormones ainsi qu’en antibiotiques et en antifongiques afin d’éviter toute contamination.
Après une semaine d’incubation, les cellules souches se multiplient puis finissent par fusionner. Des dispositifs d’élongation leur permettent de se contracter et de se relâcher afin d’acquérir des caractéristiques similaires à celles des fibres naturelles. Au final : un amas de cellules incolores et insipides, des fibres musculaires, certes, mais sûrement pas de la viande !
Le goût de la viande est-il imitable ?
Jean-François Hoquette, directeur de recherche à l’Unité de Recherches sur les Herbivores de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), demeure sceptique : « La viande artificielle ne semble pas pour l’instant vouée à de grands développements. D’abord parce que ce qu’il est possible aujourd’hui de produire n’est guère qu’un agglomérat de cellules musculaires, ne ressemblant ni tout à fait à du muscle, ni tout à fait à un steak. D’autre part, parce qu’il est encore moins possible de le produire en très grande quantité pour nourrir des milliards d’êtres humains ! »
Car les fibres musculaires seules ne peuvent donner qu’un tissu sans flaveur, ni jutosité, ni tendreté, ni couleur. Autant de qualités qui caractérisent la viande et sont définies par la présence, au sein du tissu de fibres musculaires, d’adipocytes, de capillaires sanguins et d’une trame conjonctive… Sans tous ces éléments, pas de viande saignante ou à point !
Autre point essentiel, cette viande de laboratoire manque de maturation. En effet, sitôt morts, les muscles d’un animal deviennent rigides. Et la viande met un certain temps avant de pouvoir être consommée : la « maturation » de la viande (ou attendrissage) dure habituellement plusieurs jours ou semaines chez le bovin, le temps que l’acide lactique et les enzymes musculaires parviennent à attendrir la viande afin de la rendre comestible… une biochimie subtile, qui dépend de l’évolution du pH de la viande et de la température de refroidissement de la carcasse, et qui va également influer sur le goût de la viande.
Autre point essentiel, cette viande de laboratoire manque de maturation. En effet, sitôt morts, les muscles d’un animal deviennent rigides. Et la viande met un certain temps avant de pouvoir être consommée : la « maturation » de la viande (ou attendrissage) dure habituellement plusieurs jours ou semaines chez le bovin, le temps que l’acide lactique et les enzymes musculaires parviennent à attendrir la viande afin de la rendre comestible… une biochimie subtile, qui dépend de l’évolution du pH de la viande et de la température de refroidissement de la carcasse, et qui va également influer sur le goût de la viande.
Un steak durable ?
Pour pouvoir fabriquer de la viande synthétique, il est nécessaire de disposer… d’animaux, morts ou vifs, car l’approvisionnement en cellules souches musculaires impose de disposer de muscles d’animaux à biopsier. Bien sûr, à terme, la production de viande artificielle pourrait passer par des cellules souches embryonnaires, reproductibles à l’infini qui, parce qu’elles sont totipotentes, peuvent se différencier en tout type de cellules. Mais pour l'heure, aucun chercheur ne sait comment fabriquer un steak en dirigeant la prolifération infinie de ces cellules souches embryonnaires, prolifération qui risque par ailleurs d’être précurseur de cancer.
Malgré tout, la viande synthétique suscite l’engouement du gouvernement néerlandais qui a alloué à l’équipe de Mark Post la somme de 2 millions de dollars dès 2005 pour mener à bien ses recherches. Un financement complété cette année par une subvention de 330 000 dollars provenant d'un donateur anonyme.
Au final, il n'est pas sûr que la production de viande synthétique soit économiquement rentable. Ni que son empreinte écologique soit moindre, les usines de biotechnologie dépensant aussi de l’énergie pour fonctionner. L’association PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) a pour sa part promis en 2008 1 million de dollars à la première équipe qui parviendrait à mettre au point une viande synthétique indistinguable d’une vraie viande, d’ici le 30 juin 2012. Une somme que l’organisation pensait ne jamais avoir à débourser tant la viande synthétique semblait en 2008 relever de la science-fiction. Il n’en est plus de même aujourd’hui, même si, en l’état actuel des recherches, la viande in vitro est loin d’être consommable : bourrée d’antibiotiques et d’hormones, aucun consommateur soucieux de sa santé ne pourrait en vouloir...
Moins chère que la viande d'élevage ?
Sans même prendre en compte le coût de construction des laboratoires ni le coût du travail des chercheurs qui y travailleront, des estimations (*) ont tenté de chiffrer le coût de production de la viande synthétique. Selon ces estimations, 1 tonne de substrat permettrait d’obtenir 193 kg de viande in vitro. Le coût de la tonne de viande synthétique pourrait ainsi avoisiner les 3000 à 3500 euros… À titre de comparaison, le coût de production d’une tonne de viande de poulet de batterie est près de deux fois moindre (1880 €).
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