DSK risque jusqu'à 74 ans de prison
Le visage fermé, marqué par la fatigue, Dominique Strauss-Kahn se lève pour faire face à la juge Melissa Jackson. Il porte une barbe de trois jours. Et le même imperméable noir que lors de son arrestation. Dans la salle 130 du Tribunal pénal de Manhattan, l’horloge indique 12 h 03. En France, il est déjà 18 h 03. Commence enfin l’audience préliminaire contre le patron du FMI, accusé de tentative de viol par une femme de chambre du Sofitel de New York. Confiants, ses avocats espèrent une libération contre une caution d’un million de dollars. Mais 26 minutes plus tard, c’est un Me Benjamin Brafman irrité qui sort et annonce la nouvelle aux micros qui l’assaillent: la magistrate vient de décider le placement en détention jusqu’à la prochaine audience, ce vendredi 20 mai.
«Ça vous surprend? Ici, c’est normal, glisse un avocat pris dans la foule des journalistes. Aux Etats-Unis, les juges prennent le parti de la plaignante. Surtout dans les cas d’agression sexuelle. C’est à la défense de démontrer que l’accusé n’a rien fait de mal.» Visiblement, la juge Melissa Jackson n’a pas été convaincue. Elle n’a même pas accepté de laisser Dominique Strauss-Kahn porter un bracelet électronique pour garantir qu’il reste à New York. Elle semble avoir donné crédit aux arguments du procureur adjoint John McConnell. «S’il allait en France, nous n’aurions pas de mécanisme légal pour garantir son retour! Comme dans le cas de Roman Polanski.»
Mais le Parquet a aussi affirmé que les rapports préliminaires des experts corroboraient les accusations de la plaignante. Il n’a pas été fait directement mention des résultats des tests ADN ni de la recherche d’égratignures indiquant des traces de lutte. Par contre, il semble qu’une vidéo de surveillance de l’hôtel Sofitel montre le patron du FMI quittant précipitamment sa chambre, comme pour fuir les lieux. L’allégation fait sursauter Dominique Strauss-Kahn qui tente d’intervenir. Mais son avocat l’en empêche et riposte à sa place: «Mon client était simplement pressé, il avait rendez-vous au restaurant.» Avec sa fille Camille, si l’on en croit les médias. Il aurait ensuite pris le taxi pour l’aéroport John F. Kennedy et découvert qu’il avait oublié son téléphone portable à l’hôtel. Et c’est en appelant la réception qu’il aurait été localisé par la police puis arrêté dans un avion en partance pour Paris. Telle est du moins la thèse de la défense. «L’accusation ne tient pas debout!» lançait hier Me Benjamin Brafman à la sortie du tribunal, précisant que DSK plaide non coupable.

Peut-être. Mais il reste à en convaincre, avant l’audience de vendredi, un «grand jury» composé de 23 citoyens. L’accusation est-elle suffisamment crédible pour justifier une inculpation (en anglais: «indictment»)? Cela sera tranché par un vote à la majorité des membres, sur la base des éléments qui leur seront soumis. Or, le Parquet a non seulement décrit hier des chefs d’accusation très crus (séquestration, abus sexuel, tentative de viol, fellation forcée), mais il a également affirmé qu’une enquête était ouverte sur une autre affaire sexuelle aux Etats-Unis dans laquelle Dominique Strauss-Kahn aurait pu être également impliqué. Ajoutant qu’il en est coutumier.
Autant dire que les avocats de Dominique Strauss-Kahn auront fort à faire pour le réhabiliter. Et cela, même s’il s’agit de deux ténors du Barreau. Me Benjamin Brafman aime à se décrire lui-même comme l’homme des «situations vraiment, vraiment désespérées». Il est connu pour avoir défendu des célébrités, notamment Michael Jackson en 2004, quand il était accusé d’attentat à la pudeur sur un enfant. Quant à Me William Taylor, ce serait l’un des meilleurs pénalistes de Washington. C’est lui qui avait conseillé DSK en 2008, alors qu’il était attaqué à cause de sa relation extraconjugale avec l’une de ses subordonnées du FMI.
Il reste que pour la carrière politique du socialiste française, le mal est déjà fait. L’homme auquel tous les sondages promettaient une victoire contre Nicolas Sarkozy aura du mal à se remettre des images qui ont fait le tour de la planète, le montrant menotté, les bras dans le dos, encadré par des policiers new-yorkais. Puis comparaissant parmi des petits délinquants. A moins, bien sûr, qu’il ne soit blanchi dans les tout prochains jours. Complètement blanchi.