Les nuages sont revenus
Et la treille qu'on a saignée
Tord ses longs bras maigres et nus
Sur la muraille renfrognée ;
La brume a terni les blancheurs
Et cassé les fils de la Vierge
Et le vol des martins-pêcheurs
Ne frissonne plus sur la berge.
Les arbres se sont rabougris,
La chaumière ferme sa porte,
Et le joli papillon gris
A fait place à la feuille morte.
Plus de nénuphars sur l'étang :
L'herbe languit, l'insecte râle,
Et l'hirondelle, en sanglotant,
Disparaît à l'horizon pâle.
Près de la rivière aux gardons
Qui clapote sous les vieux aunes,
Le baudet cherche les chardons
Que rognaient si bien ses dents jaunes.
Mais comme le bleuet des blés,
Comme la mousse et la fougère,
Les grands chardons s'en sont allés,
Avec la brise et la bergère.
Dans les taillis voisins des rocs
La bécasse fait sa rentrée.
Les corneilles autour des socs
Piétinent la terre éventrée.
Et décharné comme un fagot,
Le peuplier morne et funèbre
Arbore son nid de margot
Sur le ciel blanc qui s'enténèbre.
Au-dessus des vallons déserts
Où les mares se sont accrues,
A tire-d'aile dans les airs
Passe le triangle des grues.
Et la vieille, au bord du lavoir,
Avec des yeux qui se désolent,
Les regarde fuir et croit voir
Les derniers beaux jours qui s'envolent.